LETTRE OUVERTE AUX MILITANT(E)S SOCIALISTES

Publié le par Club Equité



« On vient kicker la partie...casser le monopole ! »


Cette phrase extraite d'une chanson d'un groupe de rapeurs "IV my People" résume la pensée à l'œuvre au sein du mouvement « EQUITE » dans sa démarche d'une part de remettre en cause un mode de désignation basé sur l'exclusion quasi systématique des militant(e)s mélanien(ne)s aux fonctions électives et représentatives du Parti Socialiste Français et d'autre part d'ouvrer dans les faits à l'ouverture des champs du possible pour tout(e) militant(e) socialiste laïque.

Si comme le disait Albert Camus, « Mal nommer les choses c'est participer aux malheurs du monde. », par militant(e)s mélanien(ne)s j'entends les citoyen(ne)s dont le derme est fortement marqué par la présence de mélanine. Qu'ils(elles) soient ultramarin(e)s ou issues de migrationsultramarines et d'immigrations africaines, ces individus diffèrent par leurs valeurs identitaires cultuelles et culturelles et ne forment pas, malgré les dires d'un spécialiste des questions sociales intronisé par le PS lors des « Entretiens de Solférino » du 16 mars 2006, une «Communauté Noire », terme générique permettant d'une part, la perpétuation dans l'imaginaire d'un système de domination « raciale » dans lequel n'importe quel individu, généralement indo-européen, peut se constituer un capital financier et une revalorisation narcissique grâce à l'asservissement d'individus généralement issus du continent africain et d'autre part, la globalisation et non l'individualisation des destins et des identités.

Je rappelle ici que la Directive2004/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 précise que : « l'Union européenne rejette toutes les théories tendant à déterminer l'existence de races humaines distinctes. L'emploi du mot « race » dans la présente directive n'implique nullement l'acceptation de telles théories ».
Ce n'est pas parce que les citoyen(ne)s mélanien(ne)s sont mis(e)s à
l'index qu'ils(elles) forment une communauté structurée autour de valeurs
communes. Ayons en mémoire que durant le 3ème Reich dans les camps de
concentration, des individus, des populations durent faire face à la
barbarie nazie sans pour autant renier leurs identités spécifiques.
De plus il est pour le moins surprenant que la pigmentation d'un derme
puisse déclencher un processus d'identification communautaire
indépendamment de l'Histoire individuelle de chacun(e).

Méfions-nous donc de ces bons apôtres qui voudraient enfermer la
problématique de la diversité dans un processus anti-constitutionnel sinon
opposé à législation européenne.

Cela étant dit, nous, militant(e)s d'Equité sommes, dans notre combat
contre cet ostracisme, devant l''alternative suivante :
Soit nous continuons à faire confiance au bon vouloir, au fait du
prince, des instances de direction du PS pour lutter contre cette mise à l'index.
Mais après avoir fêté, en 2006, les 60 ans de la départementalisation de 4
anciennes colonies françaises d'outre-mer, c'est-à-dire leur attachement à
une république laïque une et indivisible, force est de constater que
l'unique investiture d'une candidature ultra-marine sur les 555
circonscriptions législatives de métropole montre, me semble-t-il, les
limites du bon vouloir et du fait du prince des instances de décision du
parti.

Nous militons et nous votons où nous vivons. Nous voulons y avoir aussi
l'opportunité d'y porter les couleurs du parti.
Soit, comme l'encourage le projet socialiste, nous « judiciarisons » notre combat contre les discriminations directes ou indirectes en nous appuyant sur l'arsenal juridique que nous donne la Constitution de 1958 et nombre de textes européens.
J'applique cette démarche à l'inéquitable présence d'Ultramarin(e) au
sein des instances de décision et de représentation du parti : la
Constitution de 1958 stipule, que les partis doivent respecter les
principes de la démocratie et, discrimine les populations d'outre-mer au
sein du peuple français, l'Etat grâce à l'INSEE recense les populations
d'outre-mer résidant en métropole, la loi n°2004-1486 du 30 déc.2004
précise que la HALDE est compétente pour connaître toutes les
discriminations directes (lorsque, pour des raisons de race ou d'origine
ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre
ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable) ou
indirectes (lorsqu'une pratique apparemment neutre est susceptible
d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou
d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes) prohibées
par la loi ou par un engagement international auquel le France est partie,
la Directive 2000/43 CE du Conseil du 29 juin 2000 informe que la
discrimination indirecte peut-être établie par tous moyens, y compris sur
la base de données statistiques.

Fort de l'ensemble de ces textes et pratique, il serait pour le moins
surprenant que le constat d'une éventuelle absence d'Ultramarin(e) au sein des différentes instances de décision et de représentation du parti ne
puisse être appréhendé comme, pour le moins, une discrimination indirecte
qu'il faudrait soumettre au jugement de la HALDE.

Cette approche aurait au moins le mérite de clarifier, à mes yeux, la
finalité de cette institution : écran de fumée ou véritable outil de lutte
contre un système larvé de discriminations négatives, car nul ne sait
quels furent les critères qui prévalurent à la nomination de son président
: est-ce la constance de son engagement contre toute forme de
discrimination qui pourrait être mis en évidence par la qualité de la
gestion des ressources humaines, évaluée sur la base de la diversité et de
la parité des équipes de direction, de l'entreprise nationale qu'il
dirigea pendant de nombreuses années ou son opposition manifeste à toute
politique dite de discrimination positive ? Mais cela est un autre débat.

Si la présence d'Ultramarin(e)s dans les différentes instances de
décision et de représentation est une des conditions de la diversité au
sein du parti, elle n'en demeure qu'un cas particulier, car la non moins
inéquitable absence de militant(e) issu(e) de migrations ultramarines et
de l'immigration principalement subsaharienne en ces mêmes instances vicie
également le système de représentation démocratique

Aujourd'hui il nous faut faire le constat que si la pratique actuelle
du recensement par lieu de naissance limite la visibilité statistique de
ces populations, celles-ci n'en demeurent pas moins, elles aussi, victimes
d'ostracisme quant à leur accession aux instances de décision et de
représentation du Parti.
Donc, à moins de s'abandonner au fait du prince pour la représentation
de ces populations, il nous faut activement militer pour un recensement
prenant en compte les origines géographiques de chacun. Car même si chacun
s'accorde à penser que les votes communautaires, qu'ils soient cultuels ou
culturels, n'existent pas il n'en demeure pas moins qu'il faut faire
nombre pour exister en politique.
Certains militants socialistes entonneront les chants du
communautarisme essayant de cacher derrière un universalisme républicain
contingenté historiquement (le citoyen français était un homme modalement
indo-européen, le « Noir » un bien mobilier ou immobilier assigné
outre-mer et la femme sous tutelle masculine) leurs tentations
racialistes.

A ceux-ci je rappellerai les mots de Léon BLUM : « On est socialiste à
partir du moment où l'on a cessé de dire « Bah, c'est l'ordre des choses
et nous n'y changerons rien ». A partir du moment où l'on a senti que ce
prétendu ordre des choses était en contradiction flagrante avec la volonté
de justice, d'égalité et de solidarité qui est en nous. » et je dirai que
dans la divise républicaine « liberté, égalité et fraternité » la notion
de fraternité renvoie à un soutien inconditionnel lors des combats pour
une citoyenneté digne et intègre.

En conclusion je t'invite toi militant(e) socialiste à soutenir notre
combat, à l'enrichir de tes réflexions et à nous aider à nous positionner
collectivement face à l'alternative qui s'offre à nous, sachant que toute
position collective n'invaliderait en rien une démarche individuelle.


Pierre L. NESTOR


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